Je t'écris
des bois noirs et gris de ma vie
qui mue de plus en plus aigrie.

Je t'écris
des marais glacés de l'ennui
où je me cherche
où je me fuis
funambule sans perche.

D'un arbre nu et solitaire
qui meurt aux frontières du désert.

Je t'écris
d'un cirque vide et tout pourri
où des fantômes chantent sans bruit.

D'un port égaré loin des eaux
à la recherche d'un bateau.

Du quai aveugle d'une gare,
qui se gargarise de brouillards,
où rien ne vient
d'où rien ne part
vide de quotidien

Je t'écris
d'une chambre qu'on dit garnie
avec une table et un lit
et des murs lourds de nostalgie.

D'une usine de désespérance,
où le quotidien est souffrance.

D'un café de mélancolie
mêlant l'alcool avec l'oubli.

D'un cimetière aux fosses ouvertes
comme autant de portes pour nos pertes.

Je t'écris
d'une poubelle où je vomis
les mots d'ordre que j'ai appris.

D'une église ou d'un lupanar,
je confonds autel et trottoir,
putain de jour, putain du soir
aux rencontres de hasard.

D'un banc frileux dans un jardin
où tourne un vol blanc de gardiens.

D'un camp où tous les barbelés
matent les cris sous l'oreiller,
où l'on vient me voler mes rêves
pour que je pleure,
pour que je crève,
pour que je meurs.

Je t'écris
du fond
du fond
de ma folie.