Au soir tombé,
Les rues fauves sont des nuits de fièvres étourdies,
où les figures mates pointent comme des dunes d'abstrait;
les chairs feutrées ondulent à fleur de tact
comme la houle de soupir des mers origamiques.
Les mélancolies dégouttent à l'ombre des sourires faucilles,
des visages enluminés d'ivresse et de fuite de soi;
les désespoirs se nient au feu des mains tenues,
sur l'asphalte grêlée de liesse et d'abois vagues.
La nuit mûre, de désirs infusée,
creuse d'elle-même et oublieuse à l'heure qui chenille,
crève d'un présent figé qui n’échoit qu'à l'éternité
- et, les trombes s'exaspèrent aux veillées traînantes...
Quelques vieillards d'âges liquides poissés d'autrefois
font ondoyer les rues de leur clopin pendulaire;
ces nostalgiques d'illusoire pleurent leurs aujourd'huis-clos
- voyez, l'illusoire a bien du jour...
Les mendiés éclipsent d'ombre des mendiants qui s'éhontent,
dolents ordinaires aux yeux plus pudiques que les mains,
aux tissus affligés, versés comme le soleil déploie ses laines,
aux grâces répandues, eux qui devraient en amasser monceaux
pour permettre à si bas prix d'acheter une conscience paisible !
Et les mines allègres pointent comme des masses abstraites
Et les masses abstraites se mouillent d'euphorisants
au soir campé...
Vous, rues patrouillées de musiques noueuses,
voiries papillonnantes sous ces spectrales lueurs d'emprunt,
vous, aux fantômes opaques et aux souplesses lascives,
affriolez les sens et répugnez l'esprit.
Je vous préfère la solitude aux banquises fondues,
glacier s'écoulant, évanescent à mes contacts répliqués;
mais ses eaux bavées - ruine ! - se gonflent vite de bouillons,
ventrues de vapeurs qui m'asservissent à la distance,
et me réduisent, rues pestées, à vous circuler de nouveau
- fléau de condition - à l'aubaine diable de mes laideurs !...